Lors de notre séjour au Myanmar, en plus du circuit touristique classique (Yangon, Inle, Mandalay, Bagan), nous souhaitions passer une bonne partie de notre temps dans des régions moins visitées et souvent délaissées des touristes. Nous avons par exemple traversé la frontière Thaïlande-Myanmar par voie terrestre (ou plutôt maritime) à Ranong-Kawthaung, pour ensuite remonter la péninsule en faisant plusieurs stops à Dawei, Ye et Hpa-An. Mais ce qui nous tenait vraiment à cœur était de nous rendre dans l’état Chin afin d’y réaliser un trek de plusieurs jours avec un guide local pour découvrir la culture si riche et fascinante de cette partie reculée du Myanmar. C’est ainsi que nous prenons la route pour la petite ville de Mindat, perchée à 1500m d’altitude dans une région vallonnée au sud de l’état Chin, avec l’espoir d’y rencontrer les célèbres femmes Chin au visage tatoué, une tradition ancestrale vouée à disparaître.
L’état Chin, isolé et oublié des touristes
Situé au Nord-Ouest du Myanmar, aux frontières de l’Inde et du Bangladesh, l’état Chin a pour particularité d’être de religion dominante Chrétienne (85%), et c’est bien le seul dans ce pays où la religion Bouddhiste est très largement dominante (89%) ! L’état Chin était à l’origine animiste, avec la présence dans chaque village d’un chaman pouvant communiquer avec les esprits et réaliser les cérémonies traditionnelles. De nos jours, de plus en plus de villages se convertissent au Christianisme, et il est de plus en plus rare (mais pas impossible) de trouver chaman et chef de village comme à l’époque. Toutefois, certaines traditions persistent et en résulte un intéressant mélange culturel.
L’état Chin est également l’état le plus pauvre et l’un des plus isolés du pays. Les infrastructures y sont de manière générale très peu développées, et nous avons été particulièrement frappés par l’inexistence de routes principales dans cette partie du Myanmar.
La saison des pluies dans l’état Chin est plus longue que dans le reste du pays. Ici, elle dure de mai à octobre, soit près de la moitié de l’année ! Pendant cette période, il est très compliqué de s’y rendre et de s’y déplacer car de nombreux glissements de terrain rendent les « routes » de terre impraticables. Les temps de trajet deviennent alors encore plus longs et les montagnes se retrouvent souvent cachées dans les nuages et le brouillard.
La barrière de la langue est également un facteur important à prendre en compte. Il existe 53 différentes ethnies et dialectes dans l’état Chin. Oui, rien que ça ! Et pour compliquer un peu les choses, la majorité des gens qui habitent cette région du Myanmar ne parlent pas ou peu le birman. Alors on oublie tout de suite Google Traduction ! 😂 C’est pour cette raison qu’un guide est à mon sens primordial, afin de pouvoir interagir avec les locaux et découvrir en profondeur la culture locale. Toutefois, il faut savoir que les guides locaux parlant les dialectes des villages visités ainsi qu’un anglais correct ne courent pas les rues. Pour couronner le tout, trouver des informations et des contacts en ligne avant d’être sur place relève du parcours du combattant ! Bon, j’exagère un peu, mais il faut vraiment être motivé ! On vous donne plus d’informations dans cet article (à venir).
Pour toutes ces raisons, et souvent par manque de temps (la durée du visa touristique n’est que de 28 jours), l’état Chin est bien moins accessible aux touristes que les autres parties du Myanmar faisant partie de l’itinéraire « classique ».
Une tradition ancestrale fascinante
Les femmes Chin sont célèbres pour leur tradition ancestrale du tatouage facial. Il était de coutume, par le passé, de tatouer le visage des jeunes filles lorsque celles-ci avaient entre 6 et 17 ans. Ces tatouages, encore aujourd’hui, sont un signe d’appartenance à un groupe ethnique particulier ou à un sous-groupe/tribu. Chaque tribu possède des motifs distincts de tatouage qui lui sont propres, et toutes les femmes d’une même tribu recevront exactement le même tatouage, indépendamment de la génération ou du village d’origine.
Nous avions entendu parler de plusieurs légendes/hypothèses expliquant l’origine de ces tatouages :
- les tatouages servaient à « enlaidir » les femmes Chin, connues pour leur grande beauté, afin qu’elles ne se fassent pas kidnapper par les rois féodaux de l’époque.
- les tatouages servaient à marquer de manière indélébile l’appartenance à la tribu, afin d’éviter les enlèvements entre tribus.
D’après notre guide, tout cela n’est que légendes et la vraie raison des tatouages était de permettre aux femmes Chin d’accéder à l’au-delà et d’être reconnues par leurs ancêtres après leur mort, selon les croyances animistes qui dominaient dans la région.
Quoi qu’il en soit, les tatouages du visage sont devenus un véritable critère de beauté et un signe de courage chez les femmes Chin des anciennes générations, qui portent leurs tatouages avec grande fierté encore aujourd’hui.
Dans les années 1960, le tatouage facial fut décrété illégal par l’état birman pour raisons éthiques et sanitaires. La majorité des femmes tatouées ont donc maintenant plus de 60 ans. Très peu de jeunes femmes Chin décident de se faire tatouer à l’heure actuelle, à cause de l’interdiction mais aussi par désintérêt pour cette tradition. Selon notre guide, ce désintérêt serait en partie dû à la conversion au Christianisme des populations, ainsi qu’à la modernisation. Cette tradition ancestrale de tatouage tribal du visage est donc vouée à disparaître avec le temps.
Quelles tribus autour de Mindat ?
Il existe une grande diversité de tribus et tatouages faciaux associés dans l’état Chin, avec notamment 7 types de motifs distincts dans la partie Sud montagneuse. Aux alentours de la ville de Mindat, où nous nous sommes rendus, il est possible d’observer 3 de ces tribus : les Muun (Mün), les M’Kaang (M’Khan) et les Dai (Yindu Dai).
Lors de notre trek, nous sommes passés par plusieurs villages où nous avons pu rencontrer de nombreuses femmes Muun (Mün), mais également quelques femmes M’Kaang (M’Khan).
Récit de notre trek dans la région de Mindat
Nous avons réalisé sur 4 jours une boucle d’environ 93 km autour de Mindat. Ce trek, organisé via l’agence Uncharted Horizons, a été l’occasion parfaite pour se ressourcer en pleine nature, loin de toute pollution sonore ! L’état Chin est très sauvage, la végétation y est luxuriante, et les paysages – tantôt arides, tantôt semi-tropicaux – sont encore à l’état brut ! Durant ces 4 jours, nous avons enchaîné les montées et les descentes pour rejoindre différentes vallées, en passant par une multitude de petits villages à flanc de montagne. C’est dans ces villages que nous avons pu rencontrer plusieurs femmes au visage tatoué des tribus Muun et M’Kaang.
Jour 1 : Mindat – Heelong (31 km)
Nous arrivons à Mindat en fin de matinée et retrouvons notre guide, Aung Ling, ainsi qu’un de ses amis qui nous servira de « support moto » pendant le trek. C’est lui qui transportera notre nourriture (nouilles, riz, oeufs, légumes, etc) de village en village durant ces 4 jours. Après un déjeuner rapide en ville, nous montons à l’arrière de leurs motos, pour un trajet d’environ 40 minutes (23 km) à flanc de montagne. Nous atteignons le point de départ de notre marche, 8 km nous séparent du village Muun où nous passerons notre première nuit. Après 1h30 de marche, nous arrivons dans les hauteurs du village de Heelong, dont le nom signifie « rivière sacrée » dans le dialecte local.
A peine arrivés, nous faisons la rencontre du père Francis, qui supervise la construction de la toute première église du village. Celui-ci nous accueille à bras ouverts et se ravi de pouvoir discuter avec des étrangers. A notre grande surprise, son anglais est excellent ! Nous apprendrons plus tard que celui-ci a passé plusieurs années à Yangon dans le cadre de ses études pour devenir prêtre. Francis est le troisième prêtre du village, Heelong s’est donc converti au Christianisme il y a déjà un bon moment. L’église, en construction depuis environ 1 an, est entièrement financée grâce aux dons. D’ailleurs, un des grands donateurs de l’église est en visite à Heelong en ce moment même ! Il s’agit d’un birman chrétien de Yangon, ingénieur électrique de métier, qui en plus de ses dons aide avec les travaux. Un autre de ses amis, bouddhiste cette fois-ci, est ingénieur civile et aide également à la construction de l’église (bâtiment au toit bleu).
Après quelques minutes de discussion, nous prenons congé des trois hommes et partons nous promener dans le village en contre-bas, en suivant d’adorables petits chiots qui nous servent de guides 😊. Nous découvrons des maisons sommaires faites de bois et de taule. Mais surtout, nous découvrons des dizaines de visages souriants et très intrigués. Les femmes, certaines tatouées, se contentent de nous observer avec curiosité depuis leur maison, tandis que les hommes n’hésitent pas à venir nous voir pour nous serrer la main. Impossible de communiquer, alors nous nous contentons de rendre les poignées de main et les innombrables sourires, faire “coucou” aux enfants, et lancer des “Mingalaba” à tout bout de champ avec notre plus bel accent birman 😉 Un homme vient à notre rencontre et nous offre du vin de millet, tandis qu’une femme l’accompagnant ouvre une énorme marmite entreposée dans la rue en plein soleil et nous tend une grosse louche remplie d’une tambouille un peu douteuse … Nous buvons un peu de vin et, un peu gênés, déclinons poliment la nourriture car nous ne pouvons pas prendre le risque de tomber malade pendant ce trek qui ne fait que commencer.
Nous retrouvons notre guide, qui a installé sa « cuisine » à côté de la crèche/école maternelle du village, où nous dormirons cette nuit.
Aung Ling nous a préparé un vrai festin qui pourrait aisément nourrir 4 personnes affamées ! Après le dîner, nous enfilons toutes nos couches de vêtements (pull, doudoune, et même bonnet) car la température a bien chuté avec le coucher du soleil et il fait maintenant très froid.
Nous percevons au loin des champs religieux qui s’élèvent dans la nuit noire. C’est armés de nos lampes frontales que nous décidons d’aller voir ce qu’il se passe de plus près. Les enfants du village sont en pleine répétition pour la chorale. Nous les écoutons chanter pendant de longue minutes, hypnotisés par les mélodies, certes familières, mais chantées en dialecte local. Tout cela nous semble tellement improbable ! Les filles sont super concentrées, tandis que les garçons, plus distraits, se retournent sans cesse pour nous jeter un coup d’œil !
Nous décidons de les laisser finir en paix, afin que tout le monde puisse rester concentré. C’est alors que nous sommes appelés par le père Francis et ses deux amis rencontrés plus tôt. Nous sommes samedi soir et Francis nous explique qu’ils vont faire la fête jusqu’à minuit, car après c’est dimanche et c’est le jour du seigneur 😉. Chacun à notre tour, nous buvons du vin de millet à même la jarre grâce à une énorme paille en bambou. On peut dire qu’ils ont une bonne descente ici !
Nous avons de grandes discussions en anglais avec Francis et ses invités de Yangon, c’est très convivial et nous passons un bon moment en leur compagnie. Francis nous invite à nous joindre à la messe du dimanche matin, mais nous devons décliner car nous prévoyons de partir tôt.
Après le vin, vient le moment fatidique de déguster de la ruche d’abeille, avec les larves à l’intérieur bien sûr ! C’est apparement un met raffiné réservé aux événements importants, tels que les mariages … Bon, moi je passe mon tour tandis que Thibault se sacrifie par politesse. Verdict : « c’est dégueulasse » ! 😂
Nous quittons la maison du père Francis pour partir nous coucher car il commence à se faire tard et une longue journée de marche nous attend le lendemain. Nous traversons le village, où les locaux dansent dehors au coin du feu sous un ciel étoilé, et rejoignons l’école maternelle. Nous dormons à même le sol, 2 couvertures en dessous et 3 au dessus de nous, tout emmitouflés dans nos habits. La nuit est très froid et tout ce qui dépasse se retrouve instantanément gelé ! Nous réussissons tout de même à dormir correctement, malgré la présence de souris que Thibault entendra tout la nuit.
Jour 2 : Heelong – Kyar Ai Nuu (29 km)
Nous quittons Heelong de bon matin et marchons toute la journée en passant par 5-6 villages. Sur la route, nous observons les locaux vaquer à leurs occupations quotidiennes et rencontrons de nombreuses femmes au visage tatoué. Toutes portent le même motif de tatouage car elles font partie de la même tribu : les Muun.
Certains locaux sont contents de nous voir, nous sourient et viennent nous dire bonjour, tandis que d’autres ont l’air carrément effrayés par notre présence ! Dans l’un des villages, nous apercevons au loin une famille de 7 personnes (parents, enfants et grands parents) assise et discutant au soleil. A notre approche, chacun se tait instantanément et tous nous fixent intensément avec un regard vide, comme s’ils avaient vu un fantôme ! Croyez-moi, ça fait vraiment très bizarre de se retrouver dans ce genre de situation ! Nous réalisons alors à quel point l’état Chin est peu touristique. Ces gens n’ont probablement jamais vu de personnes blanches (et rousses 😝) de leur vie, ou alors très peu. D’ailleurs, nous n’avons toujours pas croisé de touristes depuis notre arrivée à Mindat !
Après 29 km de marche, et une dernière montée épuisante en plein soleil, nous arrivons enfin au village de Kyar Ai Nuu, où nous passerons la seconde nuit. Cette fois nous dormons chez l’habitant, dans une maison en bois traditionnelle habitée par une famille Muun d’une dizaine de personnes. Nous rencontrons la chef de famille, une femme d’une bonne soixantaine d’années au visage tatoué. Et d’une grande beauté. Nous planifions d’ores et déjà de lui demander si nous pouvons la photographier le lendemain matin.
Jour 3 : Kyar Ai Nuu – Lupe (15 km)
Nous nous réveillons avec les premiers rayons du soleil. Après un petit déjeuner copieux composé de toasts grillés, fromage, avocat, confiture et thé vert, nous sommes fin prêts pour commencer notre troisième journée de marche !
Avant de partir, Aung Ling demande à la femme au visage tatoué, dans sa langue, si elle accepterait que nous la photographions. Celle-ci accepte, nous sommes ravis ! Thibault fait quelques réglages sur son appareil photo et prend rapidement 2-3 clichés d’elle assise dans la cuisine au coin du feu, le regard fière.
Nous la trouvons magnifique et souhaitons lui imprimer la photo en cadeau. Nous sortons alors notre petite imprimante Polaroïd portable et imprimons le cliché pour lui donner. Elle l’observe un court instant, puis fait comprendre à Thibault que, bon, c’est pas terrible terrible tout ça ! 😂 Ben oui, elle a une espèce d’ombre bizarre sur le nez, et en plus on ne voit pas son corps ! Et sur ces belles paroles, part enfiler son vêtement traditionnel. Deuxième essai photo : c’est mieux, mais ce n’est toujours pas ça. La faute à une mèche rebelle cette fois. Nous finirons par prendre une troisième photo tous ensemble, à l’iPhone, beaucoup plus à son goût ! Nous nous efforçons de ne pas sourire, car ici personne ne sourit sur les photos, mais c’est dur. 😉
Nous quittons le village de Kyar Ai Nuu et reprenons notre marche pour descendre au fond de la vallée où coule une rivière, que nous traversons en empruntant un pont en bois. Puis c’est reparti pour de la montée jusqu’au sommet de la colline voisine. Nous arrivons au niveau d’un tout petit village (littéralement 3 maisons) où nous faisons une pause bien méritée.
Deux femmes Muun aux visages tatoués discutent au soleil et fument leur pipe à l’entrée d’une des maisons, nous nous asseyons à côté d’elles avec Aung Ling. La femme la plus âgée est très curieuse et pose plein de questions à notre guide : de quel pays venons nous ? Pourquoi marchons nous alors qu’il fait chaud ? Où allons nous ? Sommes nous mariés ? Bref, tout y passe ! Thibault demande s’il peut prendre quelques photos, mais la femme répond qu’elle ne veut pas. Et précise qu’elle refuse systématiquement quand on le lui demande. Pas de soucis, nous rangeons l’appareil et lui offrons quelques clémentines que nous trouvons au fond du sac à dos. Aung Ling mentionne alors notre petite imprimante Polaroïd, et là, revirement de situation, la femme change d’avis et nous demande de la photographier avec une amie de la maison voisine ! Thibault prend quelques clichés des deux femmes, bras dessus bras dessous, et capture ainsi la différence visible entre les deux générations : l’une est tatouée, l’autre non.
Tout d’un coup, nous réalisons qu’il y a de plus en plus de personnes autour de nous et que tout le monde souhaite observer les photos que nous avons imprimé. Les deux femmes ont le sourire aux lèvres, on en déduit donc qu’elles sont satisfaites. Une chose en entrainant une autre, nous nous retrouvons alors invités à boire du vin de millet en présence de tous les habitants du hameau, qui partent également chercher à scooter leurs copains du village voisin. Ça en fait du monde !
On nous sert un, puis deux, puis trois verres de vin de millet … Par l’intermédiaire d’Aung Ling, nous discutons avec un homme très curieux, ainsi que la femme que nous avons photographié plus tôt. Tous deux souhaiteraient pouvoir discuter et partager avec les étrangers, malheureusement c’est bien souvent impossible à cause de la barrière de la langue. Nous leur parlons de la France, et leur montrons des photos de la tour Eiffel et de nos familles. La femme me demande si nous aussi nous portons des tenues traditionnelles en France ! 😊
On nous propose de rester tout l’après-midi, et même de dormir sur place ! Nous devons bien évidement refuser, car il nous reste encore pas mal de chemin à parcourir. L’homme insiste alors pour nous offrir des avocats en cadeau … La générosité de ces villageois est infinie ! 😊 Après deux heures et demi en leur compagnie et un dernier “cul sec” pour la route, nous nous remettons en marche.
La route est difficile car il fait très chaud, le soleil tape et le vin aussi 😅 Nous finissons tout de même par arriver au village de Lupe avant le coucher du soleil. C’est ici que nous passerons notre troisième nuit, chez l’habitant. Je profite des derniers rayons de soleil pour bouquiner un peu, tandis que Thibault part faire un brin de toilette à la bassine, entouré des cochons du village !
Jour 4 : Lupe – Mindat (18 km)
En se réveillant ce matin là, on se dit que retrouver un vrai lit à Mindat nous fera le plus grand bien ! Après le petit déjeuner, nous partons nous balader avec Aung Ling, qui nous emmène voir les totems en bois du village, érigés lors des sacrifices de mithuns (sorte de bœufs sauvages). Cet important rituel ancestral d’origine animiste est toujours pratiqué de nos jours dans les villages et fait partie intégrante de la culture Chin. La tête du mithun est placée en haut du totem après le sacrifice. Plus tard, le crâne est lavé puis exposé sur la façade d’une maison, tel un trophée. Le totem, lui, reste exposé aux yeux de tous comme symbole de la prospérité du village.
Près des totems, nous observons d’anciennes pierres tombales animistes, construites il y a de nombreuses années, sous lesquelles sont encore disposés les pots en argile contenant les cendres des ancêtres du village.
Avant de quitter le village, Thibault en profite pour faire voler le drone et prendre quelques photos vues du ciel. Cela amuse beaucoup les habitants, qui s’amassent autour de lui pour regarder les images en live sur son téléphone.
Nous quittons le village et nous mettons en route pour Mindat, ralentis par les “goodbye” des nombreux enfants qui secouent leurs petites mains avec force et détermination afin d’attirer notre attention. Nous traversons une fois de plus la rivière et son pont suspendu.
S’ensuit une montée finale assez raide jusqu’à Mindat, en plein cagnard. En chemin, nous nous arrêtons quelques minutes pour reprendre notre souffle et entendons des bruits sourds à quelques mètres de nous. Il s’agit d’un groupe de 6 personnes en train de battre le millet pour en extraire les graines. Nous décidons d’aller voir ça de plus près …
Résultat : nous nous retrouvons une fois de plus pris au piège à boire encore et toujours plus de vin de millet en compagnie de gens absolument adorables et généreux !
Après 3 verres chacun, nous arrivons tant bien que mal à nous “échapper” et à reprendre notre marche vers Mindat. A l’approche de la ville, nous rencontrons deux femmes M’Kaang dans une maison en bordure de route. Leur tatouage est très différent de celui des femmes Muun. Nous nous arrêtons déjeuner près d’une pagode qui offre un point de vue à 360 degrés sur la ville de Mindat et ses environs.
Une fois à Mindat
Après le déjeuner, nous nous rendons chez la célébrité de Mindat, Yaw Shen, une femme M’Kaang qui joue de la flûte avec son nez ! Yaw Shen nous reçoit vêtue de sa tenue traditionnelle. Elle porte de très grosses boucles d’oreilles en bois recouvertes de perles qui m’ont l’air très lourdes ! Yaw Shen est âgée de plus de 90 ans, mais celle-ci ne connaît pas exactement son âge, qui a été estimé par comparaison avec d’autres personnes. En tout cas, elle a des souvenirs très nets de la seconde guerre mondiale ! Son visage est attendrissant, et ses yeux pétillent de malice. Yaw Shen porte avec fierté le tatouage traditionnel M’Kaang : toute une série de points qui lui recouvre l’intégralité de la figure, même les paupières, endroit où le tatouage aura été le plus douloureux ! Yaw Shen s’est faite tatouée alors qu’elle avait 16 ans, c’est à dire bien plus tard que la majorité des femmes de l’époque. Elle se souvient du tatouage et de la douleur ressentie comme si c’était hier !
La flûte traditionnelle M’Kaang ne peut se jouer qu’avec le nez, si vous essayez de jouer avec la bouche, aucun son ne sortira ! A l’heure actuelle, il ne reste qu’une dizaine de personnes de la tribu M’Kaang sachant en jouer. Yaw Shen a bien essayé d’enseigner aux plus jeunes, en vain, dû à la difficulté de la technique, additionnée d’un désintérêt croissant des nouvelles générations. Cet instrument de musique est normalement utilisé pour les cérémonies funéraires et événements associés au deuil, mais depuis quelques années, Yaw Shen en joue pour les touristes de passage à Mindat qui lui rendent visite.
Nous nous rendons ensuite au musée de Mindat, où nous sommes accueillis par le propriétaire de la collection exposée. Fils de chef de village et grand chasseur, ils nous guide fièrement dans le musée en nous présentant le moindre objet farfelu et intriguant. La collection de crânes qu’il a collecté au fil des années pendant ses parties de chasse est impressionnante : tigres, ours, cochons sauvages, singes, toucans … Il en est très fier, et malgré le fait que nous ne partageons pas son enthousiasme, nous comprenons que la chasse a une place très importante dans la culture Chin.
Nous découvrons de nombreux d’objets Chin dans ce musée, tels que des vêtements traditionnels, bijoux, tenues de chaman et de chef de village … Ou encore les épines servant à tatouer les femmes Chin ! Ce musée est vraiment un must lors de tout passage à Mindat, car le propriétaire a un anglais excellent et répond à absolument toutes vos questions avec enthousiasme.
Après notre visite du musée, Aung Ling nous accompagne jusqu’à notre guesthouse et c’est ici que nos chemins se séparent après ces 4 jours passés ensemble. Nous découvrons avec bonheur une chambre confortable, avec salle de bain privée et surtout eau chaude !
En guise de dîner, nous dégustons un « ash curry », spécialité Chin dont nous avait parlé Aung Ling, accompagné d’avocats qui nous ont été offerts sur le trek. La préparation du ash curry repose sur des feuilles de bananier ou de maïs qui sont brûlées et dont les cendres sont récupérées, puis mélangées à de l’eau. Le tout est filtré et utilisé pour preparer le curry à base de légumes et de viande. Le goût du ash curry est très different des autres plats que nous avons pu goûter au Myanmar jusqu’ici, pas mauvais du tout !
Notre passage à Mindat touche à sa fin. Nous partons nous coucher tôt car notre bus pour Pakokku viendra nous chercher de bonne heure le lendemain matin. Nous aurions aimé rester un peu plus longtemps dans l’état Chin, mais nous nous enthousiasmons déjà de notre prochaine étape au Myanmar : le célèbre site archéologique de Bagan et ses milliers de temples millénaires !
Bilan
Notre trek dans l’état Chin a été culturellement très enrichissant. Nous sommes chanceux d’avoir pu vivre cette expérience et d’avoir partagé un petit bout du quotidien des locaux que nous avons rencontré durant ces 4 jours. Tout cela n’aurait guère été possible sans guide, car nous n’aurions tout simplement pas pu communiquer avec les villageois.
Nous avons particulièrement apprécié le peu de touristes présents dans cette région reculée du Myanmar. Nous étions quasiment tout le temps seuls durant ces 4 jours, sans aucun autre touriste. Nous avons croisé quelques touristes le dernier jour seulement, en arrivant sur Mindat.
Notre seul regret serait d’avoir dû nous limiter à 4 jours de trek, nous forçant ainsi à rester assez près de la ville de Mindat. Nous aurions beaucoup aimé réaliser un trek entre Mindat et Mrauk U (7-10 jours), mais nous manquions malheureusement de temps. De plus, la région de Mrauk U n’est pas conseillée pour les touristes à l’heure actuelle (cf. France diplomatie), nous avons donc laissé tomber l’idée assez vite. Mais ce n’est que partie remise ! 😉
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