Après notre excursion dans la Pampa de Yacuma, suivie d’une bonne nuit de repos à Rurrenabaque, c’est maintenant en direction de la Selva du Parc National Madidi que nous nous dirigeons pour les 3 jours à venir ! Au programme : de longues marches dans la jungle, de jour et de nuit, afin d’observer les plantes toxiques et médicinales qui s’y trouvent, mais également dans l’espoir d’observer les animaux qui y vivent… Peut-être serons nous assez chanceux pour voir un jaguar, qui sait ? Bon, pour être honnête, nous n’y croyons pas une minute car c’est très rare. Il paraîtrait que nous ayons 1 chance sur 10 seulement. De plus, notre guide Ronald n’en a pas vu depuis plus d’un mois !
Jour 1 : Introduction à la Selva
En route pour la Selva !
A la veille du départ, nous nous rendons à l’agence Sunset Travel, qui nous annonce qu’ils n’ont malheureusement pas trouvé d’autres personnes pour se joindre à notre excursion dans la Selva, réservée 4 jours auparavant. Le tour, au prix où nous l’avons payé, se fait généralement en groupe de 3-4 personnes minimum. Néanmoins, l’agence respecte sa parole, et nous permet de partir le lendemain, pour ce qui sera donc une excursion « privée » avec Ronald, le guide que nous avions demandé.
Au matin, nous rejoignons donc Ronald sur le port de Rurrenabaque, où nous embarquons avec lui à bord d’une grande pirogue qui nous conduira jusqu’à notre premier lieu de campement dans la jungle. Il nous faudra naviguer près de 3h sur l’immense rivière Béni afin d’y arriver. Le trajet est très agréable car il fait (enfin !) beau. Les paysages traversés sont de plus en plus beaux au fur et à mesure que nous nous éloignons de la civilisation. Sur la route, nous observons plusieurs communautés vaquant à leurs occupations telles que la pêche, la récolte de canne à sucre ou encore le transport de bananes en direction de Rurre, ville principale de la région.
Notre premier campement se situe le long d’un bras de rivière secondaire du Beni, le Río Hondo, qui est bien plus petit et beaucoup moins profond que ce dernier. Afin de rejoindre le Hondo, il nous faudra même pousser la pirogue pendant quelques instants sur un fond caillouteux à peine recouvert d’eau. La tâche n’est pas aisée et le « capitaine » a de l’eau jusqu’à la taille, mais ça passe ! Nous arrivons enfin au campement, et aidons au déchargement du bateau, puis à la cuisine pour la préparation du déjeuner.
Le campement est très sympa, c’est fleuri et toutes les installations sont en bois. Le confort est sommaire mais c’est tout à fait convenable. Nous avons même une chambre double privée avec une petite salle de bain rien que pour nous ! Nous sommes les seuls touristes au campement, nous pouvons donc profiter pleinement de l’ambiance calme qui règne dans la Selva.
Première marche dans la jungle
En début d’après-midi, nous nous mettons en route pour notre première marche dans la jungle. Nous marcherons pendant environ 2 heures, dans le but d’observer les plantes médicinales et toxiques de la Selva, et d’écouter et observer les animaux si nous sommes chanceux.
«Todo es posible, nada es seguro »
Ronald
Voici une des premières phrases que Ronald a prononcé pour nous décrire la Selva. Dans la jungle du parc Madidi, tout est possible mais rien n’est certain. Contrairement à la Pampa, il n’y a aucune garantie de pouvoir y observer des animaux. Pour se faire, Ronald nous explique qu’il faut bien évidemment avoir de la chance, mais également être persévérant. Il nous faudra marcher pendant de longues heures en forêt, de manière calme et silencieuse, en étant constamment attentifs aux bruits proches et plus lointains, en sentant si nous sommes observés ou suivis … Ronald a appris plus jeune avec son grand père à pister les animaux, ainsi qu’à reconnaître et imiter certains de leur cris … Nous sommes entre de bonnes mains !
Les plantes de la Selva
Sur la route, nous observons plusieurs arbres aux propriétés surprenantes :
- Un arbre dont le bois peut être mâché et sert de contraception naturelle
- Un arbre possédant des protubérances à sa base, qui peuvent être coupées et utilisées comme baume sur les piqûres d’insectes ou les brûlures par exemple. Sa sève a des propriétés proches de l’Aloe Vera.
- Un arbre à cahoutchouc, dont la sève peut être malaxée afin d’obtenir une consistance pâteuse collante, et être utilisée comme « pâte à fixe »
- Un arbre (le Ajo Ajo) dont la partie interne de l’écorce est constituée d’ail. Ça sent l’ail et ça en a le goût ! L’ail peut être mangé et sera transpiré par la suite (on peut également s’en frotter le corps), ce qui permet de repousser les moustiques et autres insectes. L’écorce de cet arbre est aussi utilisée pour pister des animaux, tels que le jaguar (qui a un odorat 5x meilleur que l’homme), afin de camoufler son odeur.
- Un arbre dont l’écorce peut être broyée afin de préparer des boissons concentrées qui serviront de traitement naturel contre le paludisme.
Ces plantes sont encore utilisées aujourd’hui par les populations indigènes du Parc Madidi. Il en existe évidemment bien d’autres, le parc Madidi compte plus de 1800 espèces de plantes ! Dans chaque communauté, seul le Chaman connaît toutes les plantes et sait comment les utiliser.
Nous observons également des plantes toxiques, comme par exemple un arbre dont la sève est extrêmement acide. Cette sève peut être utilisée par les indigènes pour chasser. Pour cela, ils utilisent des épines creuses qu’ils remplissent et recouvrent de sève, et qu’ils lancent avec des sarbacanes faites en bambou.
Animaux rencontrés
Durant cette première marche dans la jungle, nous ne verrons malheureusement pas de gros mammifères. Toutefois, nous avons pu observer :
- Des perroquets, qui se trouvent à la cime d’arbres aux fruits rouges. Ronald nous explique qu’ils passent leurs journées à faire tomber les fruits afin de les emporter avec eux au coucher du soleil pour nourrir leurs petits
- Des écureuils, grimpant aux arbres. Ronald imite alors leurs cris et ceux-ci lui répondent en cœur, incroyable !
- Deux types de fourmis venimeuses : les « fourmis de feu », de couleur rouge, dont la piqûre fait l’effet d’un coup de fusil, et les « fourmi 24h », de couleur noire, dont la piqûre provoque une forte douleur et fièvre pendant environ 24h. Pas très rassurant, on n’a pas envie d’aller vérifier !
Rituel à la Pachamama
Après le dîner au campement, Ronald nous annonce que nous allons faire un petit rituel pour la Pachamama (Terre Mère), afin que celle-ci nous accueille sur ses terres et nous envoie une bonne énergie pour la journée du lendemain.
Pour le rituel, Ronald creuse un trou dans le sol, allume une bougie et l’entoure de son collier, orné d’une dent de Caïman énorme que lui a offert son grand père. Nous prenons chacun à notre tour des feuilles de coca, que nous déposons dans le trou, puis versons dessus un peu de vin en récitant une phrase en Quechua. Nous finissons tous par un petit shot de vin avant de recouvrir le trou de terre.
Espérons que la Pachamama sera clémente avec nous ! 🙂
Jour 2 : Sur les pistes du jaguar !
Seconde marche dans la jungle
Ce matin, une marche d’environ 2/3h nous attends pour nous rendre au second campement, bien plus reculé dans la jungle. Sur la route, nous observerons de nombreuses traces fraîches de jaguars et de biches. Probablement des traces de chasse nocturne !
Nous entendons plusieurs singes « Cappuccino » au loin, Ronald imite alors leurs cris et ceux-ci lui répondent mais finissent finalement par s’éloigner. Dommage !
A moins d’une heure du campement, nous tombons sur une colonie de Fourmis rouges “coupe-feuille”. Ces fourmis ont la particularité de découper les feuilles des arbres en petits morceaux, qu’elles transportent alors dans leurs mandibules pour les apporter dans leur maison souterraine, où se trouve leur Reine. Les feuilles, après avoir été mâchées, servent de substrat pour la culture d’un champignon dont se nourrissent les fourmis.
Nous les observons pendant de longues minutes, c’est vraiment incroyable à voir en vrai ! Les fourmis forment une longue file de plusieurs mètres de long, partant du haut d’un arbre et descendant jusque dans leur maison souterraine. On peut voir que les fourmis s’entraident entre elles pour porter les feuilles en se relayant ou en s’apportant des gouttelettes d’eau ! On assiste également à une attaque de la colonie par des fourmis noires transportant des oeufs. Ces dernières veulent déposer leurs œufs dans la maison des fourmis rouges, qui défendent alors leur colonie.
Arrivée au second campement
Nous arrivons enfin au second campement, un peu déçus de ne pas avoir vu plus d’animaux. Heureusement, une marche nocturne nous attend ce soir !
Ce second campement est beaucoup plus basique que le premier. Ce soir, nous dormirons sur une plateforme en bois munis d’une moustiquaire, et c’est tout ! De quoi s’imprégner pleinement de l’ambiance nocturne de la jungle grouillante de vie. Le campement est situé au bord d’un joli lac où nous pouvons observer caïman, tortues, ainsi que de nombreux oiseaux (paradis, aigles, vautour, perroquets de différentes couleurs).
Pêche
Cet après-midi, nous irons pêcher au bord de la rivière pour le repas du soir. De gros poissons, de la famille du saumon, y vivent. Après plus de 2h à essayer d’attraper un poisson, nous devons nous rendre à l’évidence : cette session de pêche est un échec, malgré deux grosses touches pour moi. La pêche, ce n’est vraiment pas mon truc … Thibault s’en serait sûrement mieux sorti que moi, malheureusement il n’a eu aucune touche ! Heureusement que nous n’avions pas choisi l’option « survival » pour le tour, car sinon on n’aurait rien mangé pour le dîner !
Troisième marche dans la jungle (nocturne)
Ce soir, nous irons de nouveau faire un tour dans la Selva, mais de nuit cette fois ! Nous avons vraiment hâte car c’est le meilleur moment pour observer les animaux, et nous avons donc beaucoup plus de chances d’en voir ! Le jaguar par exemple dort le jour et chasse la nuit, il est donc (encore plus) rare de l’observer en journée.
A la nuit tombée, nous observons deux petits animaux dans notre campement : un paca (gros rongeur très présent en Amérique tropicale et sub-tropicale, nourriture préférée du jaguar) et un opossum, qui traînent près de la cuisine, attirés par l’odeur de la nourriture. Une fois le dîner terminé, Ronald prend des feuilles de coca en vue de la sortie dans la jungle, et semble très concentré. Il est 21h, le ciel est complètement noir, et il y a énormément d’étoiles dans le ciel ! La Voie lactée se distingue très nettement, c’est peut-être le meilleur ciel étoilé que nous observons depuis le début du voyage !
Nous nous mettons en route pour environ 1h de marche dans la jungle avec nos lampes torche, Ronald nous explique que nous ferons une boucle autour du campement. L’ambiance nocturne de la Selva est complètement différente de ce que nous avons pu expérimenter jusque là, on sent que la jungle s’est comme réveillée. Nous entendons des millions de bruits différents autour de nous, venant de toutes les direction. Au dessus de nos têtes, nous distinguons le ciel étoilé entre la cime des arbres, c’est incroyable !
Nous ne verrons malheureusement pas de singes nocturnes, pourtant assez faciles à voir. Cela fait maintenant une demie heure que nous marchons, et nous n’avons réussi à voir que quelques pacas et opossums, cachés dans les feuillages. Ronald imite des sons d’animaux que nous n’arrivons pas à identifier. On ne comprends pas trop ce qu’il fait, mais il a l’air concentré et nous n’osons pas lui demander. Je commence à me résigner à l’idée que nous ne verrons rien cette nuit.
Ronald se retourne alors vers nous et nous dit que nous allons éteindre toutes les lumières et attendre dans le noir. Attendre quoi ? Nous ne savons pas ce qu’il a en tête mais nous nous exécutons. Ronald insiste sur le fait que nous ne devons pas allumer nos lampes torches sans son autorisation. Au son de sa voix, nous comprenons qu’il ne rigole pas. Nous nous asseyons donc par terre dans le noir le plus total et attendons. Il y a tellement de bruits autour de nous, c’est vraiment dingue ! Nous essayons de ne pas penser à toutes les petites bêtes qui se trouvent tout autour de nous, mais que nous ne pouvons pas voir. Après 10 longues minutes d’attente, Ronald se relève brusquement et allume sa lampe torche en pointant le ciel, avant d’abaisser le faisceau lumineux vers l’horizon. Deux énormes yeux oranges apparaissent alors face à nous, brillants et flottants dans l’obscurité. Ronald m’attrape par le bras et m’accroupis à côté de lui pour me montrer l’animal. Je suis paralysée et émerveillée par la taille et la brillance des yeux. Je retiens mon souffle et demande à Ronald de quoi il s’agit. Au fond de moi, je me doute de sa réponse et ne suis donc pas surprise quand il me répond : « le jaguar » ! Ronald attrape alors Thibault par le bras pour que lui aussi puisse profiter du spectacle !
L’animal se met ensuite de profil, j’arrive alors à distinguer la forme de sa tête, de ses épaules et de ses pattes avant dans le faisceau de lumière. Le jaguar s’éloigne par la droite, de sa démarche lente et féline, avant de disparaître de notre champ de vision.
Je commence tout juste à me remettre de mes émotions, quand nous apercevons alors une seconde paire d’yeux derrière les feuillages, similaire à la première. Il s’agit d’un autre jaguar, recroquevillé, en train d’observer sa proie à 10m de nous !
Nous restons là, accroupis derrière un buisson, à l’observer en silence pendant un long moment, excités comme des puces ! Nous réalisons à quel point nous sommes chanceux d’avoir pu observer deux jaguars si prêts de nous et pendant plusieurs minutes ! Ronald éteint alors sa lumière et imite le cris du jaguar (qu’il avait imité plusieurs fois auparavant, mais que nous n’avions pas reconnu). Le félin ne répond pas mais continue à nous observer en silence. Nous finissons par reprendre notre route pour rentrer au campement, à environ 30 minutes de marche, en surveillant régulièrement que nous ne sommes pas suivis ! Je n’en mène pas large et compte chaque minute qui nous sépare du campement !
Sur le chemin du retour, Ronald nous explique qu’il savait depuis le début qu’un jaguar était dans les parages, mais qu’il n’arrivait pas à le localiser. Thibault et moi, par contre, on n’avait rien capté du tout ! 😂 Nous arrivons enfin au campement et allons nous coucher, des étoiles plein les yeux !
MERCI PACHAMAMA ! 🤩
Petites anecdotes :
Le jaguar n’attaque normalement pas l’homme (sauf s’il se sent attaqué), surtout quand celui-ci est en groupe. Il n’y avait donc pas d’inquiétude à avoir. Néanmoins, se retrouver face à un tel prédateur, qui plus est dans son environnement naturel, fait clairement monter l’adrénaline ! Ronald nous a aussi fait une petite frayeur quand il s’est rendu compte qu’il avait perdu sa machette avec un air paniqué. On s’est alors demandé pourquoi il avait besoin de sa machette s’il n’y avait réellement aucun danger ! Thibault l’a finalement retrouvée en tâtonnant dans le noir, on était donc tous rassurés ! 😂
Ronald nous a aussi expliqué qu’il ne faut jamais éclairer un jaguar directement dans les yeux, afin que celui-ci ne se sente pas agressé. Il vaut mieux diriger sa lumière d’abord vers le ciel, puis ensuite abaisser le faisceau de lumière vers lui. Nous n’avions évidemment pas le droit de prendre de photos au flash (qui plus est, nous n’en avions vraiment pas l’envie), ce moment exceptionnel restera donc uniquement gravé dans nos mémoires ! 😊
Jour 3 : Fin d’une excursion magique
Quatrième et dernière marche dans la jungle
Le matin du troisième et dernier jour, nous nous levons et ne réalisons toujours pas ce qui s’est passé la nuit précédente. Nous avons presque l’impression de l’avoir rêvé ! Nous passons tout le petit déjeuner à nous refaire la scène avec Ronald.
Nous nous mettons ensuite en route pour notre quatrième et ultime marche dans la jungle. Nous devons retourner au premier campement, près du Río Hondo, afin de reprendre le bateau qui nous ramènera à Rurrenabaque après le déjeuner. Sur le chemin, nous pouvons observer des traces de tapir dans la boue, ainsi que deux boas d’environ 2m de long, qui s’accouplent devant nous.
Nous en profitons également pour ramasser des minis noix de coco, que nous utiliserons pour une session artisanat plus tard, en fin de matinée.
Session artisanat
Une fois arrivés au premier campement, et en attendant que le déjeuner soit prêt, nous nous prêtons à une session artisanat avec Ronald. En utilisant des graines et les minis cocos ramassées plus tôt, nous fabriquons bagues et collier. Une activité sympa qui a su meubler le « temps mort » d’1h30 que nous avions en fin de matinée !
Retour à Rurre, des souvenirs plein la tête !
Après un dernier déjeuner, composé de poisson fraîchement pêché (par un autre groupe) et cuit à l’étouffée dans des feuilles de bananier (un délice !), il est déjà l’heure de partir ! Nous reprenons le bateau avec Ronald en direction de Rurrenabaque. Le trajet est malheureusement plus court qu’à l’aller, seulement 2 heures, grâce au courant. Nous arrivons à Rurre avec un pincement au coeur, tristes de terminer cette excursion dans le Parc Madidi, mais des souvenirs plein la tête !
Bilan
Une expérience incroyable et un guide vraiment au top ! Bien évidement, notre avis est un peu biaisé par le fait que nous ayons pu observer des jaguars, on aurait sûrement moins apprécié le tour si on n’avait vu aucun animal. Car cela reste une possibilité (assez probable), donc à garder en tête avant de se lancer dans ce genre d’excursion !
Coût de l’expérience : 700 Bs/personne (agence Sunset Travel) + 200 Bs/personne de frais d’entrée dans le parc national Madidi.
Ronald était vraiment un super guide (merci Léa et Jules pour la recommandation !), on ne peut que le recommander à 100% ! Lors de ces 3 jours, il a beaucoup partagé avec nous, malgré sa timidité initiale, et nous a beaucoup appris sur la culture indigène du parc Madidi, et les tribus qui vivent dans les parties plus profondes et inaccessibles du parc.
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